[Article initialement publié le mercredi 31 juillet 2024 à 17h00 et mis à jour le lundi 12 août 2024 à 15h55] Les températures caniculaires, comme celles enregistrées lundi en France – 42 départements en vigilance orange ont été placés en vigilance orange par Météo-France –, illustrent la multiplication des vagues de chaleur en Europe, conséquence directe du réchauffement climatique.
Dans un rapport publié fin juillet, l’Organisation internationale du travail (OIT) a révélé que plus de 70% des travailleurs étaient exposés à un stress hydrique en 2020. Si l’Afrique, les Etats arabes et l’Asie-Pacifique sont les plus concernés, c’est en Europe de l’Ouest et en Asie centrale que les conditions de travail évoluent le plus rapidement. C’est d’ailleurs dans ces régions, comme en Amérique du Nord et du Sud, que les accidents du travail dus à la chaleur progressent le plus.
Ces dernières semaines, les records de températures ont fait l’objet de toutes les attentions, comme l’illustre la réunion organisée le 30 juillet par le Premier ministre. En revanche, il n’en va pas de même de l’humidité de l’air. Et pourtant, celle-ci rend la chaleur plus ou moins supportable, parfois mortelle. En effet, l’organisme humain dispose de deux moyens essentiels de se refroidir : par contact avec un air extérieur moins chaud que la température du corps (conduction), ou par évaporation de la transpiration.
Si la température approche ou dépasse celle du corps et si l’air est saturé d’humidité, ces deux moyens deviennent toutefois inopérants. Dès lors, le corps peut se réchauffer de +1°C toutes les 45 minutes et atteindre en quatre heures la température mortelle de 42°C.
Température, humidité et vitesse de l’air
Une température humide de 35°C n’existe encore que dans certaines régions (Asie du Sud, sud-ouest de l’Amérique du Nord, côtes moyen-orientales) et pour de courtes durées. Les modèles climatiques anticipent une multiplication de ces situations, en priorité dans ces mêmes zones, mais aussi plus largement en raison d’une évaporation accrue des océans et de la capacité d’un air plus chaud à contenir plus d’eau.
C’est la raison pour laquelle le sujet commence à intéresser jusque dans nos régions réputées « tempérées ». Et l’on voit resurgir l’indice Humidex, créé en 1965 par des météorologues canadiens. Calculé à partir de la chaleur de l’air ambiant et du pourcentage de vapeur d’eau présente dans l’air par rapport à la quantité maximale que l’air peut contenir à cette température, il fournit une mesure précise de la chaleur ressentie par les humains. Une température de 35°C et un taux d’humidité dans l’air de 46% correspondent à un indice de 44. Dès 40, le niveau d’inconfort est important. À partir de 45, la situation devient dangereuse et au-delà de 46, le risque de coup de chaleur devient réel. En France, le 30 juillet, cet indice a atteint 43 à Lyon, 44 à Paris et 46 à Tours. Ce lundi 12 août, il atteint 43 à Paris, au jardin du Luxembourg et de 42 à Marseille, en milieu d’après-midi.
Autre outil qui synthétise ces deux facteurs de confort, auxquels il ajoute la vitesse de l’air : le diagramme de Givoni. Conçu par ce spécialiste de l’architecture bioclimatique, il montre par exemple que la température de confort, qui se situe entre 20 et 27°C pour une humidité moyenne inférieure à 50%, tombe à 25°C si l’humidité atteint 80%, et qu’une légère brise rend acceptable une température de 30°C sans humidité, ou de 26°C avec 85% d’humidité.
Difficile d’agir sur l’humidité d’un bâtiment
Puisque le confort d’été ne dépend pas seulement de la température, mais aussi du taux d’humidité, pourquoi ne pas le prendre en compte dans la réglementation ? C’est le cas de certains programmes immobiliers, qui utilisent des statistiques météorologiques et des modèles climatiques. « Cela permet de vérifier chaque jour si le bâtiment est dans les clous », souligne Guillaume Meunier, consultant à l’IFPEB (Institut français pour la performance du bâtiment), où il s’apprête à lancer des groupes de travail appelés à plancher sur ce sujet.
Mais « cela reste très compliqué d’agir sur le taux d’humidité, sauf à rendre le bâtiment étanche comme le sont les musées qui doivent respecter une certaine hygrométrie », reconnaît-il.
En outre, à température modérée, le taux d’humidité d’un bâtiment est peu perceptible par ses occupants, sauf en deçà de 30% (un air très sec favorisant la poussière et les maladies respiratoires) ou au-delà de 70% (forte croissance microbienne et condensations sur les surfaces froides).
Dans la RE2020, actuellement en vigueur pour les constructions neuves, la définition du confort d’été repose sur un nombre annuel d’heures maximum à respecter pendant lesquelles la température de confort (de 26 à 28°C maximum) est dépassée. Baptisé DH (pour degré-heure d’inconfort), celui-ci ne doit pas excéder 1250 heures. Le calcul se fait sans tenir compte d’une éventuelle climatisation, afin d’inciter à une construction plus performante.
Les réseaux de froid, la solution pour les villes ?
Pour Guillaume Meunier, « l’humidité est un facteur aggravant du réchauffement, mais aussi un sujet très technique ». C’est pourquoi il est plus simple de traiter le confort sous l’angle de la température en recourant à des solutions telles que les logements traversants, favorables aux courants d’air entre la partie ensoleillée et la partie ombragée, les protections solaires et les plafonniers brasseurs d’air. Sans oublier les pompes à chaleur fonctionnant à l’électricité décarbonée.
Mais dans les villes, celles-ci n’évitent pas le rejet d’air chaud dans l’atmosphère, qui aggrave l’effet îlot de chaleur urbain. Un recours accru aux réseaux de froid urbains, tel que celui qui existe à Paris, offrirait une alternative intéressante. Ce système consiste en un ensemble de canalisations souterraines qui permettent d’acheminer de l’eau glacée vers un groupe de bâtiments.
En revanche, il serait possible de réduire le plafond d’heures autorisées en dehors de la température de confort et/ou d’abaisser cette température maximale, afin de tenir compte de cette augmentation à venir du taux d’humidité, et, donc, d’une température ressentie comme confortable moins élevée.
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