Sous statut associatif, Sud Loire Santé au Travail (SLST) porte la mission agrémentée par l’Etat de « prévention de santé au travail interentreprises » sur la moitié sud du département. Soit 11 200 entreprises adhérentes correspondant au suivi de 65 000 salariés par an de tous secteurs, bâtiment, agriculture et fonction publique exceptés. La santé au travail étant soumise à un contexte législatif mouvant, Sabrina Younsi, sa nouvelle DG, a souhaité l’étayer. Rencontre.
« C’est un secteur en pleine mutation. Nous souhaitions expliquer certains de ses tenants et aboutissants. Et, aussi, ce que nous pouvons apporter comme accompagnement à nos adhérents.» Sabrina Younsi a succédé il y a 15 mois à Christophe Reboul à la direction générale de Sud Loire Santé au Travail (SLST). Cela après 10 ans passés chez Ramsay Santé pour qui elle a travaillé à Saint-Etienne (le groupe est propriétaire du HPL) puis Marseille et Lyon en tant que cadre de santé. Dernièrement comme directrice des opérations à la Sauvegarde à Lyon. Elle a pris son poste dans un contexte mouvant pour la Santé au travail, à la suite de la loi du 2 août 2021 dite « pour renforcer la prévention en santé au travail ».
Son application, depuis avril 2022, est progressive, déterminant ainsi un faisceau d’enjeux. Ce n’est pas pour rien – en tout cas, au moins dans les intentions affichées par la législation, les syndicats dénonçant, eux, régulièrement des manques de moyen criants et donc une dégradation de la situation dans le domaine de la médecine du travail – que les « Services de Santé au Travail Interentreprises » (SSTI) ont été rebaptisés par la loi « Services de Prévention de Santé au Travail Interentreprises » (SPSTI). Sabrina Younsi, elle, ne fait pas la loi mais tient à sensibiliser ses 11 200 entreprises adhérentes sur ce qu’implique son évolution. Ainsi que l’accompagnement, l’expertise que peut leur apporter SLST, service – leur service – pour lesquelles elles cotisent.
Accompagner le DUERP
A commencer par cet objectif central autour de la prévention. La loi renforce, en effet, en le généralisant, le cadre administratif du DUERP, Document unique d’évaluation des risques professionnels qui doit répertorier « l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions ». Un document à conserver pendant au moins 40 ans par l’employeur et être accessible pour les salariés, pour les anciens travailleurs et toute autre instance ayant un intérêt à y avoir accès. L’employeur a l’obligation d’y détailler les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de mener ainsi des actions de prévention adaptées selon l’effectif de l’entreprise. La conservation du document unique est dématérialisée sur un portail numérique et l’obligation de dépôt est applicable depuis le 1er juillet 2023 pour les entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 150 salariés.
Ce sera au 1er juillet 2024 pour les moins de 150 salariés. Jusque-là, ce document diagnostic des risques internes n’était, dans les faits, remplis « en gros, que par 50 % des entreprises devant le faire. La loi renforce son exigence. Pour se mettre en conformité, nous pouvons aider les entreprises adhérentes manquant de temps et de moyens pour l’élaborer », pointe Sabrina Younsi. D’autres dispositifs nouveaux sont apportés par la loi. Comme une visite médicale obligatoire de « mi-carrière » – accessible à 45 ans – afin de vérifier l’adéquation entre poste de travail et état de santé et, éventuellement, ce qui peut être amélioré. Autre nouveauté : le rendez-vous de liaison facultatif qui peut être organisé au bout de 30 jours d’arrêt à l’initiative du salarié ou de son employeur, en vue d’organiser la reprise dans les meilleures conditions. Le médecin du travail est associé à ce rendez-vous. A savoir que cette visite ne peut pas être sanctionnée en cas de refus du salarié.
Partenariats renforcés
« C’est un apport important pour le dialogue, la compréhension, entre employeur et employé. Les chiffres montrent en effet que les chances de retour au travail deviennent très limitées au-delà de six mois d’arrêt consécutifs », note Sabrina Younsi. Selon une étude de la CNAMTS (qui toutefois date de 2008), une personne sur deux en arrêt de travail de plus de 6 mois ne reprend pas son activité professionnelle. Car la loi a pour autre axe principal affiché, de rehausser les capacités de maintien dans l’emploi malgré les problématiques de santé rencontrées ou sinon en les évitant par la prévention. Sachant que l’on compte 13 335 inscriptions par an à Pôle emploi à la suite d’une inaptitude en Auvergne-Rhône-Alpes (étude Pôle emploi, 2022). A ce sujet, Sabrina Younsi défend une démarche pro-active de SLST grâce à des relations étroites nouées avec les établissements de santé majeurs publics et privés de son périmètre.
Il faut que le lien, les échanges, l’information entre un travailleur à l’arrêt et son employeur s’améliorent.
Sabrina Younsi, DG de SLST
« Il faut que le lien, les échanges, l’information entre un travailleur à l’arrêt et son employeur s’améliorent. L’implication des hôpitaux et cliniques peut être décisive. Par exemple, il peut arriver qu’une personne en chimiothérapie, malgré une pathologie lourde et les soins, ait, d’elle-même la volonté, dans la mesure du possible, de reprendre une activité au moins partielle. Cela peut même être psychologiquement un atout, voire être vital dans son parcours de soins. Mais comment s’y prendre ? On y travaille avec les établissements. » C’est aussi avec des partenariats renforcés avec des organismes comme la Carsat, Cap Emploi, la CPAM, que SLST peut aider à déclencher des leviers d’aide au maintien ou même à la reconversion professionnelle si nécessaire. Une cellule lui est consacrée et qui est amenée à s’étoffer avec déjà, depuis juillet dernier, le recrutement deux assistantes sociales.
Des intervenants spécifiques en prévention
Dans ce sens encore du maintien dans l’emploi, la loi de 2021 fait que la visite médicale de pré-reprise, jusqu’ici organisée au bout de 3 mois d’arrêt, peut désormais être organisée avec le médecin du travail à l’initiative du salarié, du médecin traitant ou encore du médecin conseil de l’Assurance Maladie. Cela dès lors que l’arrêt de travail est supérieur à 30 jours et que le retour du salarié à son poste est anticipé. La visite de reprise obligatoire pour tout salarié absent pendant au moins 30 jours en cas d’accident ou de maladie non professionnels, s’applique désormais aux salariés en arrêt depuis plus de 60 jours. Cette visite de reprise reste obligatoire pour tout salarié qui revient de congé de maternité, après un arrêt de travail consécutif à une maladie professionnelle ou à la suite d’un accident du travail.
Pour revenir à l’œuvre de prévention, SLST insiste sur l’existence et le rôle crucial de son équipe rodée à la pluridisciplinarité dédiée dite « IPRP », Intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP). Là aussi, la loi élargit son périmètre. Sur 132 salariés, 25 personnes y travaillent au SLST. « Ses membres sont là pour visiter les entreprises, et au-delà de messages de prévention (addictions, bien être, diététique, sommeil, activité physique, etc. Ndlr) pouvant passer par l’entreprise, ils peuvent apporter beaucoup en expertise sur les mesures à prendre pour le maintien en emploi des salariés sortant ou non d’un arrêt, en tout cas ayant des besoins spécifiques, comme sur l’ergonomie des postes, les aménagements horaires, la mise en place du télétravail par exemple. Soulignons qu’il y a un enjeu fort de RSE pour les employeurs, dans un contexte de difficultés de recrutement, l’attractivité d’un employeur se joue aussi sur sa préoccupation de la santé au travail. »
« Il faut le voir comme un investissement »
Prévention qui trouve son prolongement à travers de l’événementiel. SLST cite ainsi la 8e édition du forum de la santé du transport routier organisée par la FNTR Loire en partenariat avec les services de prévention et santé au Travail SLST et le SPSTL en mars dernier à Geoffroy-Guichard. 206 salariés y étaient présents contre 140 lors de la dernière édition en 2019 avant le Covid. Un axe développable donc et à développer. Qui dit développement, dit moyens : quels sont ceux du SLST ? « Nous avons 100 salariés à Saint-Etienne, 30 à l’antenne de Montrond-les-Bains. Parmi eux, 38 médecins du travail, 15 infirmiers, 25 personnes au pôle IPRP. La Loi de 2021 permet d’élargir la délégation aux infirmières oui. Mais nous sommes moins touchés de toute façon par la pénurie de médecins de travail que la moyenne grâce à des liens tissés avec le CHU qui nous fournissent régulièrement des internes. »
Le service est financé par les cotisations de ses adhérents. Celle-ci vient justement passer pour le SLST de 80 à 88 € par salarié (+ 33 € pour les employés concernés par le suivi renforcé tous les 2 ans, contre 30 auparavant). Forcément, cela a dû faire des mécontents. « Sans cela, ce service indispensable à nos adhérents aurait été en déficit. Il n’y avait pas le choix. Vous savez, à ce sujet, je n’ai eu que 5 retours négatifs dont 3 ont donné lieu à des échanges constructifs, assure Sabrina Younsi. Il faut le voir comme un investissement et non une charge au regard du coût de l’absentéisme pour une entreprise, de l’enjeu de son attractivité. Nous apportons de la valeur ajoutée, et pouvons, potentiellement, empêcher des burn outs, voire pire encore. Notre existence permet aussi d’effectuer des prestations gratuites, comme l’aide à élaborer le DUERP, incluse aux cotisations, plutôt que l’entreprise fasse appel à un coûteux cabinet privé. »
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